1930 - 2002
Efo DJOUMESSI II Edmond
Né le 12 novembre 1930 à Forêké-Dschang de Djoumessi Mathias et de MAPAMO Elisabeth, il fit ses études primaires à l’Ecole catholique de Dschang, ses études secondaires à SASSE Collège, puis des études en soins infirmiers au Nigeria Il est tour à tour infirmier au dispensaire de Bamendou (1958-1960) puis à l’Hôpital de Dschang (1960-1966). En mai 1966, il succède à son père et devient le 8ème chef du groupement Foréké-Dschang. Le règne qui commença fort bien prit une tournure épique qui révéla le combattant, l’homme de convictions et le visionnaire qu’il était. Avant même qu’il n’accède au trône il sait que sa vie a fini d’être paisible. En effet lorsque le 5 mai 1966 on l’arrête pour devenir chef, son adjoint (le Kweti NKENGLIFACK Marius) est absent et, il apprendra dans la soirée que ce dernier, qui ambitionnait de succéder à leur père, a juré qu’il sera tôt ou tard chef. Le même soir, le troisième personnage de la succession s’évade du « Lifem » (forêt sacrée) et disparaît dans la nature sans explication aucune ; lui aussi rêvait d’être chef. Comment ne pas comprendre, dans ce contexte, que le trône sur lequel on est assis peut-être soustrait ? Sa nature d’homme chaleureux, affable et optimiste l’aideront toutefois à mieux affronter l’adversaire. Entouré de sa Mafo (MOMO MAZEUTEM Anne), des neuf notables et autres notabilités de Foréké-Dschang, il passera une période de noviciat qualifiée par les observateurs de très prometteuse. A sa sortie du « Lifem », il confirme le serment qu’il a prêté le 3 mai auprès du corps de son père défunt de poursuivre avec abnégation, courage et dévouement l’œuvre de ses prédécesseurs à la tête du groupement. Les hostilités contre sa personne s’ouvrent en Décembre 1966 ; la chefferie est perquisitionnée et tous les documents et archives du chef sont emportées, le jeune chef dût faire bon cœur d’une mauvaise fortune, Il vaque avec détermination à ses occupations quotidiennes : sa ferme de Busy Home Palace prospère, les associations coutumières sont invitées à se réorganiser, des nouvelles générations des Mazon reçoivent leurs noms, la scolarisation des enfants, notamment celle des filles est encouragée, les agriculteurs sont invités à moderniser les méthodes de travail, etc… C’est alors que le 4 novembre 1969, il est convoqué à la préfecture de Dschang et mis aux arrêts sans explications. Transféré a Mantum, il y séjournera pendant six ans puis sera libéré. A sa demande Mme MOMO MAZEUTEM Anne, sa Mafo assure la vacance à la tête de la chefferie entre 1970 et 1975, recevant les instructions appropriées et rendant compte de ses activités. En 1975 alors qu’il est libéré, l’auteur de ses maux, son Kweti NKENGLIFACK Marius qui avait refusé la fonction, réussit son triste projet en obtenant un arrêté de désignation comme Chef supérieur de Forêké-Dschang. DJOUMESSI II Edmond s’établit d’abord à Nkongsamba, déplaçant du même coup le ‘cœur de la chefferie de Dschang vers son nouveau lieu de résidence ; toutes les populations qui lui sont restées attachées se rendaient a Nkongsamba pour renouveler leur allégeance. Une lutte souterraine s’engagea, conduite par des volontaires de tous grades, en attendant le retour du chef, Efo DJOUMESSI II Edmond.Concours de circonstance ou pas celui-ci se retrouva à Dschang pour aider à la manifestation de la vérité dans un procès entre deux concitoyens devant le Tribunal de Grande Instance ; en marge, il participa aux funérailles de la mère d’un ami ??????? et le peuple reconnut son chef et l’accueillit avec tous les honneurs dus, au grand dam de “Nkangsa”, “le chef des blancs” ; Il fut à nouveau arrêté, ce qui lui donna l’occasion de se défendre. Le Sous-préfet d’alors et son complice, auteur de cette nouvelle forfaiture furent condamné par le tribunal à lui payer des dommages et intérêts pour arrestation et séquestration abusives. Désormais plus rien ne s’opposait à son installation à Foréké-Dschang, son frère ennemi ne l’entendit pas de cette oreille ; dans la foulée, il saisit le TGI de Dschang pour s’opposer au jugement d’hérédité rendu en 1966 au profit de DJOUMESSI II Edmond perdit le procès devant cette instance ainsi qu’à la Cour d’Appel de Bafoussam en 1985. Désormais, fort de sa double légitimité, populaire et judiciaire, DJOUMESSI II Edmond s’installe définitivement à « Busy Home Palace », la résidence qu’il a créée et qui est depuis lors la résidence officielle du Chef Supérieur Foréké-Dschang, Il dut lutter énergiquement au cours des années qui suivirent, contre les accusations calomnieuses et mensongères de son frère et contre la pauvreté, donnant aux populations une leçon de courage et combativité indescriptibles. La ferme est restructurée ; il crée une carrière de sable utilisant de technologies nouvelles et exploite toutes ses autres compétences. Hier infirmier des détenus à Mantoum, le voici infirmier des pauvres dans son “palais”. Il consulte, conseille et soigne ses anciens et nouveaux malades ; II faut le relever, lorsqu’il était en activité comme infirmier, il a marqué les malades par son dévouement et son abnégation. L’Histoire nous dit que c’est grâce à sa manière de servir qu’il eut la vie sauve alors qu’il était en service à Bamendou pendant les années du maquis, il soignera toute sa vie des malades en désespoir de cause et souvent démunis, partageant avec eux jusqu’à ses repas. Ce faisant, il menait une vie d’amour qu’il a voulu bâtir plutôt que celle de haine, il aimait répéter qu’il n’avait pas de haine particulière contre son frère qui a failli le précipiter à la mort Et lorsqu’on lui demandait les raisons de son indulgence, il rétorquait de regarder le visage d’un homme haineux… qui devenait laid et s’apparentait à celui d’un animal, il ajoutait que tout se paie ici-bas, son frère recevra tôt ou tard le salaire de l’acte qu’il a posé sans que lui le chef n’ait à faire quoi que ce soit. DJOUMESSI II Edmond était un homme de caractère, ferme dans ses convictions, affable, honnête, juste et généreux, sa famille et lui-même ont dû pâtir de cette qualité. Tenez tous les dimanches, il faisait préparer plusieurs mets à la chefferie sans avoir invité qui que ce soit. Dieu sait qu’il s’est agi dans les dernières années de sa vie, d’un moment d’intense communion entre lui, sa famille et son peuple. Pendant ces instants, il donnait tout, allant chercher dans ses réserves, il était aussi très généreux dans l’effort et sa carrière de sable où les horaires de travail étaient extensibles, dans la vie publique qui l’a sollicité jusqu’à son dernier souffle, à sa ferme, à la poursuite de nombreux projets de son groupement renaissant. Lorsqu’il s’élevait contre ce qui apparaissait à ses yeux comme une injustice, ses yeux devenaient vifs, ses doigts se raidissaient et… il était transfiguré, peu maîtrisable et prêt à tout C’est alors qu’il déclarait que le “ciel n’avait qu’à s’écrouler, il y aurait des poteaux pour l’en empêcher”. En vérité, c’est en réaction aux déviances de la gouvernance qu’il a adhéré au début des années 1990 au Social Démocratie Front (SDF), parti d’opposition dont il a été le tout premier Président dans la Menoua. A l’appel des populations et soucieux de leur sécurité et de leurs intérêts immédiats, il y a pris le recul par rapport à ce parti quelque années plus tard, déclarant comme son père 40 ans plus tôt, qu’ « un vendeur d’œufs évite tout heurt même des moindres ». Ainsi, savait-il se soumettre aux servitudes de sa qualité de chef traditionnel, Chef attachant et charismatique, il savait rester à l’écoute des populations sans exclusive. Dés sa réinstallation à Busy Home Palace en 1975, il s’est efforcé d’assumer au mieux ses responsabilités temporelles et spirituelles dont notamment les présidences des réunions au « Lifem » [bois sacré), de la confrérie des NKougang (ndzée), des conseils de notables, des funérailles auxquels il était invité, des festivités traditionnelles de Pâques… Chaque-occasion, il savait trouver des mots justes pour communiquer avec ses interlocuteurs, donne des orientations et des conseils ; II est de notoriété que DJOUMESSI II Edmond était un communicateur hors pair. Ainsi, a-t-il su reprendre attache avec ses pairs, les chefs traditionnels de la Menoua et de l’Ouest, et réoccuper sa place restée inoccupée au sein de leur association ainsi que les impliquer à la lutte pour la réhabilitation de la chefferie Foréké-Dschang en particulier et de la chefferie Bamiléké en général. L’Histoire retiendra que de sa posture privilégiée de chef, il a œuvré pour le respect des traditions, de valeurs et repères ancestraux partagées, et pour le développement économique, social et culture de son groupement. Victime lui-même de la persécution et de l’injustice, il a mieux que quiconque su apprécier et faire partager les bienfaits de la paix et de la sécurité de chaque être humain ainsi que de l’éthique dans la gestion de la chose publique. A la question de savoir ce qui se produira après sa mort, il répondit sans hésitation qu’un meilleur jour se lèvera à Forêké-Dschang. Dommage qu’en raison de la vanité et de l’égoïsme des hommes, il n’ait pu donner toute la mesure de ses potentialités.
